Sunday, September 30, 2018

 

The Need to Believe

E.M. Cioran (1911-1995), A Short History of Decay, tr. Richard Howard (1975; rpt. New York: Arcade Publishing, 2012), pp. 3-4:
Even when he turns from religion, man remains subject to it; depleting himself to create fake gods, he then feverishly adopts them: his need for fiction, for mythology triumphs over evidence and absurdity alike. His power to adore is responsible for all his crimes: a man who loves a god unduly forces other men to love his god, eager to exterminate them if they refuse. There is no form of intolerance, of proselytism or ideological intransigence which fails to reveal the bestial substratum of enthusiasm. Once man loses his faculty of indifference he becomes a potential murderer; once he transforms his idea into a god the consequences are incalculable. We kill only in the name of a god or of his counterfeits: the excesses provoked by the goddess Reason, by the concept of nation, class, or race are akin to those of the Inquisition or of the Reformation. The ages of fervor abound in bloody exploits: a Saint Teresa could only be the contemporary of the auto-da-fé, a Luther of the repression of the Peasants' Revolt. In every mystic outburst, the moans of victims parallel the moans of ecstasy.... Scaffolds, dungeons, jails flourish only in the shadow of a faith — of that need to believe which has infested the mind forever. The devil pales beside the man who owns a truth, his truth.

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In the fervent mind you always find the camouflaged beast of prey; no protection is adequate against the claws of a prophet.... Once he raises his voice, whether in the name of heaven, of the city, or some other excuse, away with you: satyr of your solitude, he will not forgive your living on the wrong side of his truths and his transports; he wants you to share his hysteria, his fullness, he wants to impose it on you, and thereby to disfigure you. A human being possessed by a belief and not eager to pass it on to others is a phenomenon alien to the earth, where our mania for salvation makes life unbreathable.



Lors même qu'il s'éloigne de la religion, l'homme y demeure assujetti; s'épuisant à forger des simulacres de dieux, il les adopte ensuite fiévreusement: son besoin de fiction, de mythologie triomphe de l'évidence et du ridicule. Sa puissance d'adorer est responsable de tous ses crimes: celui qui aime indûment un dieu, contraint les autres à l'aimer, en attendant de les exterminer s'ils s'y refusent. Point d'intolérance, d'intransigeance idéologique ou de prosélytisme qui ne révèlent le fond bestial de l'enthousiasme. Que l'homme perde sa faculté d'indifférence: il devient un assassin virtuel; qu'il transforme son idée en dieu: les conséquences en sont incalculables. On ne tue qu'au nom d'un dieu ou de ses contrefaçons: les excès suscités par la déesse Raison, par l'idée de nation, de classe ou de race sont parents de ceux de l'Inquisition ou de la Réforme. Les époques de ferveur excellent en exploits sanguinaires: sainte Thérèse ne pouvait être contemporaine que des autodafés, et Luther du massacre des paysans. Dans les crises mystiques, les gémissements des victimes sont parallèles aux gémissements de l'extase... Gibets, cachots, bagnes ne prospèrent qu'à l'ombre d'une foi, — de ce besoin de croire qui a infesté l'esprit pour jamais. Le diable paraît bien pâle auprès de celui qui dispose d'une vérité, de sa vérité.

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Dans un esprit ardent on retrouve la bête de proie déguisée; on ne saurait trop se défendre des griffes d'un prophète. Que s'il élève la voix, fût-ce au nom du ciel, de la cité ou d'autres prétextes, éloignez-vous-en: satyre de votre solitude, il ne vous pardonne pas de vivre en deçà de ses vérités et de ses emportements son hystérie, son bien, il veut vous le faire partager, vous l'imposer et vous défigurer. Un être possédé par une croyance et qui ne chercherait pas à la communiquer aux autres, — est un phénomène étranger à la terre, où l'obsession du salut rend la vie irrespirable.



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