Saturday, February 20, 2010

 

Per Una Selva Oscura

Victor Hugo, À Albert Durer (To Albrecht Dürer, tr. E.H. and A.M. Blackmore):
In the old forests where huge sap-waves roll
Through pallid birch-trunk and dark alder-bole,
How often, past some patch of open ground,
Fearful, not venturing to look around,
You must have scurried, pale and growing fainter,
Old master Dürer, you reflective painter!

In your illustrious scenes we too can see
What your prophetic gaze saw vividly:
In that dark covert veiled by shadows lies
The webfoot faun or sylvan with green eyes,
While Pan adorns your haunt with floral sheaves,
And ancient dryads fill their hands with leaves.

A forest is a dreadful world to you;
There the fantastic merges with the true.
Old pines bend dreamily, and mighty elms
Writhe myriad malformed branches, in those realms;
Against the wind the somber thickets strive—
Nothing is quite dead, nothing quite alive.
Weeds drink, streams ripple; ash trees on the slope
Draw in their gnarled dark feet, and slowly grope
Back from the dismal shrubs and crawling brakes,
While swan-necked flowers are mirrored in the lakes;
Many a strange and scaly beast that paws
The massive knots of a tree between its claws
Views you in darkness with a gleaming eye,
If you should rouse it up as you pass by.
Ah, plant life—soul and matter! vital spark
Covered with rough skin, or with living bark!
Lulled branches laden with dim reveries.

God alone knows—God, who alone can trace
Strange things—how often, in some savage place,
Stirred by a deep flame, I have felt aware
That the huge oaks in this dark wooded lair
Quivered, and lived with spirits like my own,
And laughed, and spoke together in an undertone.



Dans les vieilles forêts où la sève à grands flots
Court du fût noir de l'aulne au tronc blanc des bouleaux,
Bien des fois, n'est-ce pas? à travers la clairière,
Pâle, effaré, n'osant regarder en arrière,
Tu t'es hâté, tremblant et d'un pas convulsif,
O mon maître Albert Dure, ô vieux peintre pensif!

On devine, devant tes tableaux qu'on vénère,
Que dans les noirs taillis ton œil visionnaire
Voyait distinctement, par l'ombre recouverts,
Le faune aux doigts palmés, le sylvain aux yeux verts,
Pan, qui revêt de fleurs l'antre où tu te recueilles,
Et l'antique dryade aux mains pleines de feuilles.

Une forêt pour toi, c'est un monstre hideux,
Le songe et le réel s'y mêlent tous les deux.
Là se penchent rêveurs les vieux pins, les grands ormes
Dont les rameaux tordus font cent coudes difformes,
Et, dans ce groupe sombre agité par le vent,
Rien n'est tout à fait mort ni tout à fait vivant.
Le cresson boit; l'eau court; les frênes sur les pentes,
Sous la broussaille horrible et les ronces grimpantes,
Contractent lentement leurs pieds noueux et noirs.
Les fleurs au cou de cygne ont les lacs pour miroirs;
Et sur vous qui passez et l'avez réveillée,
Mainte chimère étrange à la gorge écaillée,
D'un arbre entre ses doigts serrant les larges nœuds,
Du fond d'un antre obscur fixe un œil lumineux.
O végétation! esprit! matière! force!
Couverte de peau rude ou de vivante écorce!

Aux bois, ainsi que toi, je n'ai jamais erré,
Maître, sans qu'en mon cœur l'horreur ait pénétré,
Sans voir tressaillir l'herbe, et, par les vents bercées,
Pendre à tous les rameaux de confuses pensées.
Dieu seul, ce grand témoin des faits mystérieux,
Dieu seul le sait, souvent, en de sauvages lieux,
J'ai senti, moi qu'échauffe une secrète flamme,
Comme moi palpiter et vivre avec une âme,
Et rire, et se parler dans l'ombre à demi-voix
Les chênes monstrueux qui remplissent les bois.
Update: Thanks to Pierre Wechter for pointing out some errors in my transcription of Hugo's French, which I have now corrected.



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