Saturday, April 13, 2019

 

Hours Stolen From Study

Paul Valéry (1871-1945), Moi, tr. Marthiel and Jackson Mathews (Princeton: Princeton University Press, 1975), p. 28:
Certainly nothing so formed me, permeated me, instructed — or constructed — me as those hours stolen from study, hours seemingly idle but really given over to the unconscious worship of three or four undeniable gods: the Sea, the Sky, the Sun. Without knowing it, I recaptured something ot the wonder and exaltation of primitive man. I do not know what book could match or what writer incite in us such states of productive wonder, of contemplation and communion, as I experienced in my early years. Better than any reading, better than the poets or the philosophers, a certain close observation without any definite or definable thought, a certain lingering over the pure elements of the moment, over the vastest and simplest objects, the most powerfully simple and perceptible in our sphere of existence — the habit this imposes on us of unconsciously relating every event, every person, every expression and every detail to the greatest and most stable of visible things, moulds us, accustoms and induces us to measure without effort and without reflection the true proportions of our nature, to find within ourselves without difficulty the way to our highest level, which is also the most "human." In some way, within ourselves, we possess a measure of all things and of ourselves. Protagoras' statement that man is the measure of all things is characteristic and essentially Mediterranean.

Certainement, rien ne m’a plus formé, plus imprégné, mieux instruit — ou construit, — que ces heures dérobées à l’étude, distraites en apparence, mais vouées dans le fond au culte inconscient de trois ou quatre déités incontestables: la Mer, le Ciel, le Soleil. Je retrouvais, sans le savoir, je ne sais quels étonnements et quelles exaltations de primitif. Je ne vois pas quel livre peut valoir, quel auteur peut édifier en nous ces états de stupeur féconde, de contemplation et de communion que j’ai connus dans mes premières années. Mieux que toute lecture, mieux que les poètes, mieux que les philosophes, certains regards, sans pensée définie ni définissable, certains regards sur les purs éléments du jour, sur les objets les plus vastes, les plus simples, le plus puissamment simples et sensibles de notre sphère d’existence, l’habitude qu’ils nous imposent de rapporter inconsciemment tout événement, tout être, toute expression tout détail, aux plus grandes choses visibles et aux plus stables, nous façonnent, nous accoutument, nous induisent à ressentir sans effort et sans réflexion la véritable proportion de notre nature, à trouver en nous, sans difficulté, le passage à notre degré le plus élevé, qui est aussi le plus «humain». Nous possédons, en quelque sorte, une mesure de toutes choses et de nous-mêmes. La parole de Protagoras, que «l'homme est la mesure des choses», est une parole caractéristique, essentiellement méditerranéenne.



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